« C’est l’étude des marges qui éclaire la norme[i] »

Bordeaux

Objet : Le Féminisme, le Genre et les LGBTQI

Animation de l’atelier: Chris Blache – Genre et Ville et Florence Pélissier

Intervenant-es:

  • Arnaud Alessandrin, Sociologue à l’université de Bordeaux, co-auteur de la « Transyclopédie » et de « La Géographie des Homophobies »
  • Edith Maruejouls, Doctorante en Socio-Géographie à l’Université de Bordeaux autrice de l’étude « L’offre de loisirs, filles-garçons »
  • Ariane Tapinos, Libraire féministe à Bordeaux, spécialiste de l’étude du genre dans la littérature enfantine
  • Pascale Lapalud, Urbaniste-Designeure, co-fondatrice de Genre et Ville

 

Susan Mortimer 2010

Susan Mortimer 2010

 

L’étude des marges nous fait tirailler le tissu sociétal mettant à jour sa trame normative.  Injonctions, contraintes, rappels à l’ordre plus ou moins formulés mais toujours sous-jacents, mécanismes de domination…

C’est en réponse aux affirmations trop souvent entendues : « Il y a plus urgent ! » «On ne peut prendre en considération tous les cas particuliers », « C’est marginal ! » que notre panel d’intervenantEs triturant les marges, déjoue les « évidences » en questionnant les normes.

Genre – Sexe – Sexualité : de quoi parle-t-on ? Par Arnaud Alessandrin

« C’est un garçon », « c’est une fille », ce que le médecin dit, en énonçant ce qui se présente comme le réel, comme un fait de nature, est une phrase perfusée de représentations situées culturellement et historiquement.  Dire le sexe c’est déjà s’éloigner de l’évidence de la nature.

La question du genre formule une reconnaissance des capacités individuelles à se défaire des injonctions, et la persistance des inégalités, des hiérarchies et de leur pouvoir.

Les revendications trans : dépathologisation, dépsychiatrisation, question de l’homme enceint ; ou intersexe : sexe réassigné ne correspondant pas avec toute sa violence induite,  nous éclairent sur la possibilité pour tous les individus, de pouvoir déclarativement choisir son sexe sans intervention médicale non consentie.

Ces questions qui peuvent paraitre minoritaires sont en réalité majeures pour élargir le champ de ce que l’on considère comme étant une humanité vivable.

« La mixité filles/garçons dans les loisirs des jeunes » par Edith Maruejouls

  • L’offre de loisirs subventionnée s’adresse en moyenne à deux fois plus de garçons que de filles.
  • Les filles décrochent au collège, or à chaque fois qu’une offre particulière est faite pour le public féminin (danse hip-hop, football et rugby féminin) ou un public mixte (orchestres de jeunes, théâtre, activités sportives de plein-air), elle remporte un franc succès. Quels murs invisibles les retiennent?
  • Les activités non mixtes masculines sont beaucoup plus importantes que les activités non mixtes féminines.
  • Forte prégnance des stéréotypes de sexe. Quelle place pour les filles et les garçons qui ne correspondent pas à ces stéréotypes?

Cette éducation différenciée des garçons et des filles à l’usage de l’espace public ne prépare-t-elle pas l’hégémonie masculine dans la ville et le sentiment d’insécurité pour les femmes qui, parfois, en découle ?

Genre et Littérature Jeunesse. Par Ariane Tapinos

10 503 titres en littérature jeunesse parus en 2013.  En dix ans la production jeunesse a augmenté de 50%. La production jeunesse actuelle, s’ordonne en matière de représentation des sexes, autour de trois grandes familles d’éditeurs : les idéologues, les opportunistes et les biens intentionnés.

  • Les idéologues assument une vision où les rôles femmes hommes sont bien définis et bien différents et entendent y préparer les enfants.
  • Les opportunistes appliquent une règle de base du marketing : segmenter pour vendre plus.
  • Enfin, on continue à trouver des perles de sexisme même chez des éditeurs très bien intentionnés.

Restent les vraies questions qui sont à la fois celle de la diffusion de cette grande variété de titres : où trouve-t-on quels livres ? Et pour quelle part du marché[ii] ? Ainsi que l’hypernormativité dans la demande des clientEs !

« Même pas peur » par Pascale Lapalud

L’espace public, la rue, sont données comme lieux anxiogènes pour les femmes. Peurs, vraies ou construites, elles servent le discours sécuritaire.

En se saisissant d’une double entrée « identités et urbanisme» pour observer et subvertir nos modes d’appropriation de l’espace public, il s’agit de révéler les inégalités d’identités sur les territoires (pris au sens non pas d’un simple lieu mais d’un produit entre un espace physique et un pouvoir[iii]).

Comment le discours sécuritaire prédomine dès qu’il est question d’identités et de territoires ? Que sert ce discours ? De la nécessité de déconstruire non seulement les identités mais aussi  les territoires pour affronter ses/ces peurs, et de s’interroger sur de nouveaux outils pour faire la ville et le vivre ensemble autrement.

2014-08-21 15.20.20 SAMSUNG 2014-08-21 15.49.02 2014-08-21 15.48.57 Atelier Genre et Ville


[i] Charlotte Prieur ; Louis Dupont « Les Espaces des Masculinités »

[ii] Martine : 51 titres, 50 millions d’exemplaires. 1 million par an, rien que pour la langue française.

[iii] Eloit Laurent